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Le comportement perturbateur d’un passager peut-il être constitutif d’une circonstance extraordinaire exonérant le transporteur aérien de l’indemnisation prévue au titre de l’article 7 du Règlement n°261/2004 ?

2 juillet 2020

Article rédigé par l’équipe droit aérien du cabinet : Claire Vaquette, Nathalie Younan et Sonia Merad.

 

Selon l’Agence Européenne de la Sécurité Aérienne (EASA), en 2018, le nombre d’incidents survenus au cours d’un vol a augmenté de 34 % et le comportement agressif d’un passager au cours d’un vol constitue le cas le plus fréquent.

Face à ces situations imprévisibles, plusieurs questions se posent tant à l’égard du transporteur aérien qu’à l’égard des autres passagers : le transporteur aérien peut-il se prévaloir d’une circonstance extraordinaire au sens du Règlement n°261/2004 ? Les passagers dont le vol a été perturbé à la suite d’un tel comportement ont-ils droit à l’indemnisation prévue par l’article 7 du Règlement n°261/2004 ?

N’ayant pas trouvé de réponse à ces questions dans le Règlement n°261/2004, ni probablement dans la jurisprudence, le Tribunal d’arrondissement de Lisbonne, saisi de l’affaire, a sursis à statuer afin de soumettre plusieurs questions préjudicielles à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE).

Par un arrêt du 11 juin 2020, la Cour de justice de l’Union européenne a tranché : le comportement perturbateur d’un passager peut, sous certaines conditions, constituer une circonstance extraordinaire susceptible d’exonérer le transporteur aérien de son obligation d’indemnisation pour l’annulation ou le retard important du vol concerné ou d’un vol suivant opéré, par lui-même, au moyen du même aéronef.

Le raisonnement de la CJUE se résume en trois étapes.

Tout d’abord, la Cour a rappelé les conditions cumulatives permettant de qualifier une circonstance extraordinaire, à savoir :

– L’évènement ne doit pas être inhérent à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien concerné et,
– Il ne doit pas échapper à la maîtrise effective de celui-ci.

Puis, elle les a appliquées au cas d’espèce, en considérant :

– D’une part « [qu’] un comportement perturbateur d’une gravité telle qu’il a justifié que le pilote commandant de bord procède au déroutement du vol concerné n’est pas inhérent à l’exercice normal de l’activité du transporteur aérien effectif concerné » et,
– D’autre part, qu’un « tel comportement n’est, en principe, pas maîtrisable par le transporteur aérien effectif concerné, dès lors que, premièrement, celui-ci est le fait d’un passager, dont, en principe, le comportement et les réactions aux demandes de l’équipage ne sont pas prévisibles, et, que, deuxièmement, à bord d’un aéronef, le commandant de bord comme l’équipage ne disposent que de moyens limités pour maîtriser un tel passager ».

Cependant, sans doute afin d’éviter que ce type de comportement n’exonère trop facilement le transporteur aérien de ses obligations, la Cour a précisé quelques conditions supplémentaires à cette qualification de circonstance extraordinaire.

En effet, en premier lieu, elle a insisté sur le fait que la compagnie aérienne devait prouver qu’elle n’était pas en mesure d’anticiper la perturbation.

En deuxième lieu, la Cour a considéré que dans l’hypothèse où une telle circonstance impacterait un vol ultérieur, opérant avec le même appareil, la compagnie aérienne devait pouvoir prouver « le lien de causalité directe entre la survenance de cette circonstance ayant affecté un vol précédent et le retard ou l’annulation d’un vol ultérieur. »

Enfin, elle a précisé que la compagnie aérienne devait prouver qu’elle avait assuré un réacheminement « raisonnable, satisfaisant et dans les meilleurs délais à ses passagers », cette recherche devant s’étendre également aux vols opérés par d’autres transporteurs aériens.

Cependant, sur ce point, la CJUE a précisé que s’il n’existait « aucun siège disponible sur un autre vol direct ou indirect permettant au passager concerné d’atteindre sa destination finale à un horaire moins tardif que le vol suivant du transporteur aérien concerné » ou si la réalisation d’un tel réacheminement constituait pour ce transporteur aérien « un sacrifice insupportable au regard des capacités de son entreprise au moment pertinent », celui-ci devait être considéré comme ayant mis en œuvre tous les moyens dont il disposait en réacheminant le passager en cause par le vol suivant opéré par ses soins.

Bien que circonstancié, cet arrêt sera probablement bien accueilli par les transporteurs aériens, qui ne souhaitent pas être tenus responsables du comportement perturbateur de leur passager. Cependant, la jurisprudence ultérieure nous dira si les mesures raisonnables imposées aux compagnies aériennes par cet arrêt leur permettront de s’exonérer aisément de ce type de situation.

 

 

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