Article rédigé par l’équipe droit aérien du cabinet : Claire Vaquette, Nathalie Younan et Agathe Robles.
En cent ans d’existence, l’aviation a connu des changements majeurs qui l’ont amenée à devenir l’un des modes de transport les plus efficaces. Si le transport aérien est en perpétuelle évolution, il doit faire face à de nombreux défis.Depuis les années quatre-vingt-dix, du fait de la densification du trafic et de l’accroissement du nombre de compagnies aériennes opérant sur le marché, la question de la capacité et de la saturation des aéroports se pose.
Face à ces nouveaux enjeux, les Etats européens ont adopté des règles communes en matière d’attribution des créneaux horaires (également appelés « slots »).
Le slot est défini comme « l’heure prévue d’arrivée ou de départ disponible ou attribuée à un mouvement d’aéronef à une date précise dans un aéroport coordonné aux termes du présent règlement. »
La répartition des créneaux horaires entre les compagnies aériennes est désormais réglementée au niveau européen par le Règlement 95/93 du 18 janvier 1993 (ci-après le « Règlement 95/93 »), fixant des règles communes en ce qui concerne l’attribution des créneaux horaires dans les aéroports de l’Union européenne.
La répartition des créneaux horaires dans les aéroports, au niveau européen
Le Règlement 95/93 prévoit que l’attribution des créneaux horaires aéroportuaires revient à un coordonnateur nommé dans chaque Etat membre.
L’article 4 dudit Règlement dispose qu’il s’agit d’« une personne physique ou morale possédant une connaissance approfondie de la coordination en matière de planification des mouvements d’aéronefs des transporteurs aériens, après avoir consulté les transporteurs aériens qui utilisent régulièrement l’aéroport, leurs organisations représentatives et les autorités aéroportuaires. »
Le coordonnateur doit agir de façon neutre, transparente et non-discriminatoire.
En France, l’Association pour la Coordination des Horaires (ci-après la « COHOR »), qui regroupe la plupart des compagnies aériennes françaises ainsi que des gestionnaires aéroportuaires, assure cette fonction.
Avant de procéder à la répartition des créneaux horaires, il convient de déterminer la capacité disponible pour chaque aéroport concerné. Pour ce faire, les autorités compétentes se réunissent deux fois par an, sur la base de la saison estivale et de la saison hivernale, et communiquent ensuite les données collectées au coordonnateur.
La procédure de répartition des slots en tant que telle, régie par l’article 8 du Règlement susvisé, est fondée sur la logique selon laquelle « un transporteur aérien qui a exploité son créneau horaire approuvé par le coordonnateur peut prétendre à ce même créneau pour la période de planification horaire correspondante suivante ».
Ainsi, si le transporteur aérien exploite suffisamment son créneau horaire, ce dernier lui sera de nouveau attribué. Afin de conserver son créneau horaire, la compagnie aérienne doit néanmoins l’exploiter à hauteur de 80%. Dans le cas contraire, celui-ci sera alors redistribué.
En effet, l’article 10 du Règlement 95/93 prévoit la constitution d’un « pool » regroupant les créneaux horaires inutilisés, ceux qui ont été nouvellement créés ou abandonnés ou ceux devenus disponibles.
Enfin, il est à noter que la non-utilisation d’un créneau horaire peut se justifier, ce qui permettra alors à la compagnie aérienne de le conserver. Toutefois, les justifications sont limitées.
Or, la situation d’une pandémie telle que celle du Covid-19 n’y est pas envisagée.
L’impact du Covid-19 sur la répartition des créneaux horaires dans les aéroports
Depuis le début de l’année 2020, le secteur aéronautique est fortement touché par la crise du Covid-19, laquelle a entraîné une chute sans précédent du trafic aérien.
Afin de respecter la règle introduite par le Règlement 95/93 imposant aux compagnies aériennes d’utiliser au moins 80% des créneaux horaires attribués, les transporteurs aériens ont été contraints de maintenir des vols avec un faible taux de remplissage.
Outre le fait que cette situation semble désastreuse d’un point de vue économique, elle engendre également un coût environnemental inutile.
Afin de remédier à cette situation chaotique, de nombreux acteurs du transport aérien ont souhaité que des mesures d’assouplissement soient prises au niveau européen.
Ainsi, le 13 mars 2020, la Commission européenne a soumis une proposition de texte modifiant le Règlement 95/93 tenant compte du contexte actuel. Le texte a été adopté le 26 mars suivant par le Parlement et le Conseil européens et modifie l’article 10 du Règlement.
La nouvelle mesure prévoit que la règle obligeant les compagnies aériennes à utiliser au moins 80% de leurs créneaux horaires est suspendue jusqu’au 24 octobre 2020 inclus. Cette dérogation prend effet dès le 1er mars 2020. Une prolongation de la mesure pourra être envisagée en fonction de l’évolution de la situation sanitaire.
Par ailleurs, cette dérogation s’applique également aux créneaux horaires non-exploités, attribués sur la période du 23 janvier au 29 février 2020, pour les vols situés entre l’Union européenne et la Chine.
L’assouplissement de la règle imposée par l’article 10 du Règlement 95/93 aura par conséquent un impact considérable sur le secteur du transport aérien, tant sur le plan économique qu’environnemental. Les compagnies aériennes sont désormais libres d’annuler les vols dont le maintien n’est pas justifié et ce jusqu’au 24 octobre 2020.
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