Article rédigé par l’équipe droit aérien du cabinet : Juan Diego Ninon Vargas, Abdelmajid Nedjari, Jean Guillaume Leneveu et Rajeev Sharma Fokeer.
La pandémie de COVID-19 a provoqué une crise sanitaire mondiale et une crise économique qui va durer longtemps. Une des nombreuses conséquences en est l’annulation des voyages du fait de la fermeture des frontières. S’est d’ores et déjà posé la question de savoir si les prestataires de voyages sont tenus de rembourser et/ou d’indemniser les consommateurs ayant acheté ces voyages annulés. Pour y répondre, il convient encore de distinguer le cas des forfaits séjours (I.) de celui des vols secs (II.).
1. Le sort des forfaits séjours
En France, l’Ordonnance n°2020-315 du 25 mars 2020 met en place un dispositif d’exception, applicable aux forfaits séjours. Cette Ordonnance s’applique notamment aux contrats de voyage et de séjour. Il s’agit de forfaits comprenant le transport et l’hébergement proposés par les voyagistes ou « tour operators ».
Si l’annulation d’un tel voyage est notifiée entre le 1er mars 2020 et une date antérieure au 15 septembre 2020, que ce soit par le client ou par le prestataire, le prestataire peut ainsi proposer un avoir que le client pourra utiliser pour une prestation identique ou équivalente ultérieure en lieu et place du remboursement la somme versée au titre du séjour,
Le voyagiste doit en informer par écrit, sur support durable dans les trente jours, le client. Celui-ci ne peut ni refuser ni, surtout, exiger un remboursement. La nouvelle proposition de voyage, aux mêmes conditions tarifaires, doit quant à elle être transmise dans les trois mois et reste ensuite valable pendant dix-huit mois. Si elle n’est pas acceptée et aucun autre forfait équivalent n’est acquis par le client durant cette période, le remboursement devra être effectué par le voyagiste.
L’objectif de ce dispositif d’exception, explicitement rappelé par le Rapport au Président de la République sur l’Ordonnance, est de « sauvegarder la trésorerie des opérateurs » de voyage, afin de leur éviter une « défaillance ». Il s’agit donc de les protéger contre la faillite.
Malheureusement, aucune mesure d’exception comparable n’est en l’état prévu au profit des compagnies aériennes, s’agissant de l’annulation de vols secs, c’est-à-dire des billets d’avion émis par le transporteur pour cause de COVID-19.
2. Le sort des vols secs
Le 18 mars dernier, la Commission Européenne a reconnu, sans surprise, que la pandémie de COVID-19 constitue une circonstance extraordinaire au sens de la réglementation en matière d’indemnisation des passagers pour cause d’annulation ou de retard de vols. Les compagnies aériennes ne sont donc pas tenues de verser aux passagers l’indemnité forfaitaire prévue en cas d’annulation de vols.
Néanmoins, en l’état actuel du droit, les compagnies aériennes restent tenues au remboursement du prix du billet aux passagers. Qui plus est, elles doivent y procéder dans un délai de sept jours ; alors même que le trafic aérien est virtuellement à l’arrêt complet, à quelques rares exceptions près, et que l’IATA qui vient d’exposer son approche à plusieurs niveaux en vue du redémarrage de l’industrie a annoncé que le transport aérien ne devrait pas retrouver son niveau de trafic d’avant-crise avant 2023. Le remboursement doit être intégral et donc inclurait, a priori, le montant de la taxe d’aéroport, que pourtant les compagnies aériennes reversent aux États. Le coût global de ces remboursements est évalué à 35 milliards de dollars, pour le seul deuxième trimestre 2020.
Toutes les compagnies aériennes sont déjà en grande difficulté. Afin d’éviter des faillites en cascade, il serait souhaitable de mettre en place un traitement exceptionnel des vols secs annulés du fait de la crise sanitaire comparable à celui conçu pour préserver les organisateurs de voyages à forfait. Un tel
régime dérogatoire est soutenu par le syndicat des agences de voyage françaises et bien entendu, par le directeur général de l’International Air Transport Association.
La Commission Européenne a fait un timide premier pas en ce sens, le 13 mai dernier, en constatant qu’ « en cas d’insolvabilité des (…) transporteurs, le risque existe que de nombreux voyageurs et passagers ne bénéficient d’aucun remboursement ». Elle recommande ainsi d’augmenter l’attractivité des bons à avoir que les compagnies aériennes peuvent proposer aux passagers en lieu et place du remboursement, par un mécanisme de garantie contre l’insolvabilité de la compagnie et une durée minimale de validité des bons de douze mois. Toutefois, ni le droit du passager d’exiger le remboursement, ni le délai extrêmement court de sept jours pour y procéder, ne sont remis en question. Cela est regrettable, d’autant plus que la Commission reconnaît elle-même que la « situation des secteurs du voyage et du transport en matière de trésorerie et de recettes est devenue insoutenable ».
Des mesures exceptionnelles pour rebondir et sortir plus forts de cette pandémie paraissent nécessaires, certes, pour préserver le secteur du transport aérien permettant notamment aux compagnies de redémarrer leur activité post-COVID en préservant autant que faire se peut, les emplois, directs et indirects, qui en dépendent. Il serait aussi et surtout dans l’intérêt des voyageurs eux-mêmes d’éviter que leur droit au remboursement immédiat ne se heurte à la réalité de la faillite à venir des compagnies aériennes, ou pis encore n’en devienne le motif, ce qui aurait tout simplement pour effet de nous priver d’une de nos libertés fondamentales : celle de mouvement et de circulation. Tout vient à point à qui sait attendre.
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